« Le voyage de Khadija» du jeune réalisateur Tarik El Idriss est un film documentaire qui aborde plusieurs thématiques dont le statut de la femme marocaine, l’émigration, l’héritage intergénérationnel, l’identité sans frontière …
« ‘’Le voyage de Khadija’’ est excellent, les images sont superbes et le contenu est très émouvant. Il y avait beaucoup de sincérité de la part de l’héroïne du film et du réalisateur. Je me suis reconnue dans plusieurs scènes », nous confie toute émue une jeune femme à la fin de la projection du film. Elle ne sera pas la seule d’ailleurs à ressentir cette même émotion. Plusieurs spectateurs qui n’ont jamais été à Nador ont eu le sentiment que c’est un film fait pour eux et dans lequel ils se sont reconnus et où peut se reconnaitre tout marocain résidant à l étranger.
Khadija El Morabit est née à Amsterdam de parents marocains de la région du Rif. Elle n’est pas retournée depuis vingt ans à Benichikar, un petit village proche de Melilla dont ces parents sont originaires et où ils avaient coutume de se rendre tous les étés. Au moment d’éveiller en elle la conscience de ses droits et liberté, elle a commencé à entrer en conflit avec la culture de sa famille qui est tellement différente de la culture hollandaise « Ce sont des sujets qui m’ont toujours interpellés. Le statut de la femme et le travail, la femme et la religion la femme et la politique. Ils ont été sans cesse les sources de conflit entre mon père et moi. Ce qui m’a éloigné vingt ans de ma terre originale. Mon père nous a quitté il y a six mois, et je me souviens de tout ce qui il nous racontait sur sa mère. Je pense que je prête et que le moment est venu. C’est en plongeant dans la mémoire de Mamma Allal, que je renoue avec la femme rifaine forte et respectée » nous indique Khadija.
Mamma Allal
Mais qui est cette femme à la noble réputation? Mamma Allal est la grand-mère paternelle de Khadija, mais c’est surtout son idole et c’est pour elle et pour sa mémoire que cette jeune fille va faire ce voyage et ces retrouvailles avec une maison, une famille, un village, des lieux, des souvenirs qu’elle a bien souvent tenté d’ignorer. Bien que ne l’ayant jamais connue ,ni jamais vue, la réputation de cette femme rifaine forte courageuse et vaillante va amener notre heroine à renouer avec son passé et se réconcilier avec elle même. Khadija n’arrivera pas à retrouver la tombe de sa grand-mère, enterrée dans un cimetière qui longe la ville de Melilla mais elle trouvera tout réconfort,amour, calme et sérénité en se refugiant et en se serrant bien fort dans les bras doux de sa grand-mère maternelle et de tout l’entourage familial (oncle, tante et cousins).Tous les villageois connaissent Mamma Allal qui était une femme forte et courageuse et crainte par tous les hommes du village. Elle demeure une légende vivante à ce jour.
Mamma Allal a su vaincre la famine qui a frappé la région du Rif dans les années 30, l ‘exil en Algérie, la mort de son mari, le retour au Maroc, l’éducation de ses 5 enfants «C’est elle mon idole, mon inspiration, ma fierté, mon héroïne. C’est pour elle et pour toutes les femmes rifaines que je reviens. C’est une quête de moi même, qui m’amène jusqu’ici pour affronter l’histoire des générations précédentes à la mienne. Affronter des femmes et des hommes forts .Je me bats de nouveaux pour l’égalité des genres ».Khadija est plus que jamais determinée.Quoi qu’ils disent, quoi qu’ils fassent, Khadija n’a que sa vulnérabilité comme arme et son esprit ouvert comme autre arme et elle est prête.
Né de la rencontre entre le réalisateur Tarik El idrissi et du scénariste Abdelkader Benali « Le voyage de Khadija » ce remarquable film est plus qu’un voyage dans l’espace et dans le temps, c’est un voyage intérieur. A voir et à revoir.