Sociologue, professeur-chercheur à l’Université Mohammed V de Rabat, Aïcha Belarbi est experte auprès des Nations Unies sur les questions relatives à l’éducation, le genre, le dialogue des cultures, la migration. Activiste en matière de démocratie, des droits humains, et des droits des femmes, elle a occupé les postes de Secrétaire d’Etat à la Coopération et d’ambassadeur du Maroc auprès des Commissions Européennes. Parcours d’une battante
Actuelles : Vous avez occupé plusieurs postes de hautes responsabilités dont celui d’Ambassadeur du Maroc de l’Union Européenne. Racontez nous ce parcours ?
Aicha Belarbi : Avant d’occuper le poste d’Ambassadeur du Maroc auprès de l’UE, j’étais Secrétaire d’Etat à la Coopération dans le gouvernement El Yousoufi. Une grande transition qui a marqué le Maroc et a donné une bonne impulsion aux ministres pour construire le Maroc démocratique et moderne. Une occasion extraordinaire pour appliquer les grands idéaux de démocratie, droits de l’Homme et développement. Un parcours singulier dans ma vie, étant donné mon passage du monde militant, universitaire et associatif à des responsabilités officielles, ce qui est totalement différent. Ce fut une très belle transition dans ma vie, elle m’a permis de saisir de plus près ce qui se passe dans les hautes sphères. C’était aussi très innovant.
Pour le poste d’Ambassadeur, je fus la première femme marocaine nommée à cette représentation auprès des institutions européennes. En tant qu’Ambassadeur, j’ai essayé de donner le meilleur de moi-même, je suis entière dans toute activité que j’entreprends. J’étais amenée à conduire des actions multiples et diversifiées pour la mise en œuvre de l’accord d’association ; des réunions marathoniennes avec les différents départements ministériels marocains, les diverses unités de la commission européenne. Avec le parlement européens, les contacts n’avaient jamais cessé avec les députés de différents bords, une information régulière leur était adressée, sous formes de dossiers, de meetings, ou d’audition. Il faut également ajouter les grands débats, rencontres et polémiques qu’avait suscitées la signature de l’accord de pêche en 2004, et les positions européennes bien rigides qui ont abouti à une grande impasse, sans oublier de citer que je représentais le Maroc auprès de l’OTAN. Je pense que c’était un passage extraordinaire qui m’a vraiment beaucoup marquée. Il a renforcé ma vigilance, aiguisé ma perspicacité, et m’a confirmé dans ma conviction qu’on ne cesse jamais d’apprendre.
Actuelles : Le travail de femme hors du foyer et cette inégalité dans la répartition des taches dans le couple, la condition féminine en général continuent toujours à vous habiter. Que pourriez-vous nous en dire ?
Aicha Belarbi : Oui, c’est une question qui m’a toujours préoccupée. Depuis mon enfance, j’étais très sensible aux inégalités sociales, à l’adolescence, je relevais déjà les inégalités entre sexes et ne pouvais les exprimer que dans un cercle restreint. J’ai eu de la chance, car bien que j ai vécue dans un milieu très traditionnaliste, j’avais des parents compréhensifs, surtout ma mère, qui s’est toujours prononcée sur la nécessité de l’instruction et la scolarisation de la fille. Mes deux frères aînés ont joué un rôle fondamental dans ma vie, ils appartenaient à cette jeunesse moderniste des années 56 et qui militait pour la promotion de la femme par l’éducation. J’étais très marquée par les femmes de ma famille et surtout par ma mère qui était une femme très forte de caractère, très ouverte à l’innovation et au changement et qui défendait la question de la femme à sa façon. Elle a toujours critiqué la polygamie, la répudiation, la domination abusive des hommes. Elle refusait le mariage précoce de la fille et sa réduction aux seules taches ménagères. Je crois que j ai assimilée très tôt ce refus de la condition de la femme et surtout le fait d’être vulnérabilisée par certaines normes et traditions.
Plus tard, cette sensibilité à l’égard de la condition de la femme apparaitra à l’école et plus particulièrement au 2ème cycle du secondaire et à l’université ou j’avais pris effectivement conscience des discriminations sociales. Aussi, je me suis engagée dans un parti politique, qui est l’UNFP et j’ai participé, plus tard, à la création de la section féminine de l’USFP. Mon engagement pour l’égalité homme femme s’est aussi concrétisé dans mes écrits, dans mes conférences, dans l’enseignement que je dispensais et ce, au niveau national, régional et international. C’est pareil quand j’occupais les hauts postes de responsabilités, mon implication pour l’égalité et la lutte contre les discriminations était toujours à l’ordre du jour. Je continue toujours à être très active dans ce domaine, la preuve en est la publication de mon dernier livre « Egalité, parité, histoire inachevée. »