Amal Kadiri Berrada n’aime pas beaucoup parler d’elle. Elle préfère mettre en avant son association, les enfants préscolarisés, les éducatrices et les partenaires qui ont aidé à concrétiser ce rêve. Mais sans son engagement, il est certain qu’Oum El Ghait n’aurait jamais pu voir le jour…
À première vue, on pourrait croire que l’Association Oum El Ghait est née presque par hasard, quand un bailleur de fond avait confié à Amal Kadiri Berrada le soin de développer une solution préscolaire dans la région de Sidi Moumen, là où il avait son association. Mais, ce serait aller trop vite en besogne. La fibre sociale de la présidente de l’Association Oum El Ghait (joli clin d’œil à sa fille Ghita) avait été exacerbée par ces images de misère et de pauvreté que sa mémoire garde vivaces encore aujourd’hui. « En effectuant des reportages et des enquêtes sur les populations laissées pour compte, j’ai été particulièrement marquée par un reportage que j’ai réalisé sur les inadmissibles conditions d’accouchement en milieu rural », se souvient-elle. C’était à la fin des années 90.
En fait, si la jeune femme a quitté depuis quelques années l’univers des médias (elle cogère actuellement une entreprise spécialisée dans les systèmes d’information Dynamiques), son envie d’aider les populations démunies s’est renforcée avec le temps. La création de son association, il y a 3 ans de cela, la conforte dans ses convictions : l’action sociale doit être ciblée et structurée. « Avant Oum El Ghait, confirme-t-elle, mes élans de solidarité étaient épars. Aujourd’hui, j’ai fait le choix convaincu et structuré d’aller dans le fond de la question du préscolaire en milieu péri urbain. » En effet, le cheval de bataille de l’association fondée par Amal Kadiri Berrada est le préscolaire quasi inexistant dans les quartiers populaires. Et lorsqu’on sait son importance dans l’épanouissement de l’enfant, dans l’apprentissage du bien vivre ensemble et de la réussite scolaire, on ne peut qu’adhérer au projet porté à bras le corps par la dynamique présidente d’Oum El Ghait. « Il n’existe pas de véritables écoles de préscolaire dans ces arrondissements. Les écoles privées accueillant les enfants sont des espaces confinés, surdensifiés qui ne présentent ni les conditions d’accueil adaptées, ni les éléments pédagogiques rudimentaires au préscolaire. En somme, les enfants se retrouvent en situation de gardiennage et en aucun cas préparés à l’école primaire. Les risques d’abandon et d échecs sont imminents… », relève Amal.
Un projet pertinent
Le projet d’Oum El Ghait vient donc à point nommé pour combler un immense vide. Pour évaluer la situation, il fallait aller sur le terrain, sonder les habitants du quartier… Amal n’hésite pas un instant. « Il fallait aller à la source, occuper le terrain pour évaluer l’étendue de la problématique dans ce quartier caractérisé par des indicateurs socio-économiques difficiles. Le déficit est énorme et il fallait prendre la bonne distance pour se construire une vision juste », confie-t-elle. Un autre combat l’attend, celui de convaincre le ministère de l’Education nationale de la faisabilité et de la pertinence du projet d’Oum El Ghait. En effet, pour assurer la pérennité de cette action, il fallait exploiter les salles de classes existantes des écoles publiques. Il fallait aussi les rénover et les équiper. Ce que fait avec beaucoup d’enthousiasme et de brio la jeune association. « L’association forme les éducatrices du préscolaire, équipe les salles selon des normes standard de qualité et, enfin, réaménage les salles de classe (peinture/sanitaires/ rideaux) pour accueillir des enfants âgés entre 4 et 6 ans », rappelle Amal.
Des actions sur le long terme
Très vite, des partenaires institutionnels se joignent à l’action d’Amal Kadiri et l’accompagnent pour la réalisation des objectifs de son association. Le ministère de l’Education nationale (MEN), ATFALE, INDH, Michoc… répondent présents. « Le business modèle fonctionne grâce à la synergie mise en place, inscrivant le projet pédagogique dans une vision de développement durable », assure la présidente de l’association.
Oum El Ghait préscolarise 1000 enfants encadrés par près de 30 éducatrices dans 16 établissements publics répartis entre Sidi Moumen et Sidi Bernoussi. Les ambitions d’Amal ne peuvent se contenter de peu. Elle compte accueillir, pour la rentrée 2016, 500 autres enfants dans 11 établissements différents, permettant ainsi de généraliser sa présence dans 40% des établissements potentiels du projet. Amal Kadiri prévoit de généraliser, d’ici 2020 la présence dans l’ensemble des arrondissements de Sidi Moumen et de Sidi Bernoussi, et de systématiser son business modèle auprès d’autres quartiers défavorisés.
L’action sociale et éducative d’Oum El Ghait est confortée par la signature, le 16 avril 2016 d’une convention-cadre avec le centre de l’INDH Casablanca. Une belle victoire qui ouvre des perspectives nouvelles pour la jeune association et sa présidente, bien décidée à en découdre avec les défaillances du préscolaire dans les quartiers populaires. Une mission que Amal Kadiri a faite définitivement sienne.