Une dizaine d’oasis du sud marocain sont dans une situation critique. Le changement climatique, la désertification, l’ensablement, la pénurie de l’eau, mais aussi les agissements de l’homme sont les véritables menaces de la disparition de ce patrimoine culturel et naturel. Loin d’être un cas isolé, l’oasis de Tanzida agonise en silence.
Pendant longtemps Tanzida fut une oasis pied dans l’eau. En effet, cette oasis créée sur les berges de l’oued Tamanart avait cette particularité d’abriter en son sein, au beau milieu de l’oued, un lac permanent d’où les palmiers dattiers et autres arbres puisaient directement la ressource dont ils avaient besoin.
«Avec la succession des années de sècheresse, le lac s’est asséché et commence alors le long processus d’agonie de l’oasis, pour aboutir à son état actuel de dépérissement», nous révèle amèrement Mohamed Oudor, Président du Conseil municipal de Fam El Hisn et défenseur chevronné des oasis.
Sur le plan historique, Tanzida remonterait à l’époque almoravide dont la forteresse Tachoukalt, située à 2 kms au Sud-Est de Tanzida constitue le témoignage encore vivant du passage par ce haut lieu de l’histoire par des Almoravides. Tanzida constitue, de ce fait, un espace d’identification historique et social.
Sur le plan agricole, l’oasis de Tanzida abrite les meilleures variétés de palmiers dattiers : Boufegous, Bouserkri et Jihel. La réputation de ses dattes va bien au-delà des frontières de la Commune et de la région avoisinante.
Aujourd’hui, le constat est désolant et la vérité est effrayante. L’oasis Tanzida est enclavée, à défaut d’être enrayée. La palmeraie est en état de délabrement continu, elle est envahie par le sable, détritus et cadavres d’animaux venus de tout horizon. Les palmiers abandonnés, étouffent sous les branches mortes. Des maisons en pisé, vidées de leurs habitants, partis trouver fortune ailleurs.
La faute au climat…
Mais l’homme a aussi sa part de responsabilité. Depuis plusieurs décennies déjà, nos oasis souffrent de plusieurs mutations néfastes, aux rythmes de plus en plus accélérés, qui se sont traduites par une dégradation manifeste et dangereuse de cet écosystème particulier. «Cette dégradation, due en particulier au changement climatique est aggravée par une pression démographique et urbaine, d’une part, et par un comportement irresponsable de l’Homme, d’autre part» nous explique M. Oudor. «Cette dégradation s’est traduite par une perte de 40% de la surface végétale pour plusieurs oasis du sud marocain, par le tarissement de plus de 50% des khettaras du Maroc, par la réduction de 20% au moins des superficies céréalières et la baisse de 40% de la production des dattes. Le dépérissement, à cause du Bayoud, des 2/3 du patrimoine phoenicole de certaines zones du territoire oasien et l’abandon de plusieurs Ksours, chefs d’œuvres architecturaux, ou leur invasion anarchique par le béton » ajoute -t-il.
On peut encore s’adapter
La responsabilité de l’homme dans la dégradation des oasis, volontairement ou non, n’a presque plus de doute, accentuée par le changement climatique. Malgré le bilan dévastateur, des solutions existent, concrétisées en efforts suffisants et mobilisation de tous pour faire face à ce phénomène. Aussi seule la combinaison, maitrisée, de deux stratégies claires d’adaptation et d’atténuation est en mesure de produire des résultats tangibles sur le long terme.
«Deux trains de mesures sont à entreprendre par nos gouvernants en faveur de ces territoires : des mesures d’atténuation et des mesures d’adaptation» nous explique encore M. Oudor. «Il faut atténuer l’impact négatif des catastrophes « naturelles », sècheresses prolongées, inondations, incendies des forêts, tout en mettant en place des stratégies volontaristes d’adaptation : mobilisation de la ressource en eau de surface pour régénérer les nappes phréatiques taries ou en voie de l’être, utilisation intensive des énergies renouvelables pour le pompage de l’eau domestique et d’irrigation et aussi pour l’éclairage domestique et public » ajoute le maire de Fam El Hisn.
Nouveau signal d’alarme pour nos oasis et par ricochet pour sa biodiversité et même s’il y a urgence, il n’est pas encore trop tard. Il faut agir et vite pour nos territoires oasiens, condamnés à une disparition programmée à l’horizon 2050 selon la Ministre de l’environnement, si rien n’est fait.
Autrefois, terre d’accueil et carrefour des civilisations, aujourd’hui, désormais, nos oasis se cachent pour mourir