« Chant d’état transitoire » de Fatiha Zemmouri

« Chant d’état transitoire » de Fatiha Zemmouri

Fatiha Zemmouri dévoile ses dernières œuvres, plusieurs vidéos et un ensemble de toiles magistrales à la Galerie 38, marquant l’aboutissement de la réflexion menée depuis plusieurs années par l’artiste.

 

Remettant le support traditionnel, la toile, en question, Fatiha Zemmouri  y applique de la matière, elle-même transformée au préalable, qu’elle assemble selon un processus qui dure plusieurs jours, jusqu’à trente pour certaines pièces. Ces pratiques témoignent, chez l’artiste, d’une volonté de retour au geste primitif et d’une redéfinition de l’art comme lieu des changements du monde. Alchimiste, l’artiste l’est sans aucun doute quand, entre ses mains, la céramique et le charbon se fixent à la toile, brouillant la frontière ténue qui existe entre matériaux et supports, exposant la richesse phénoméniste des textures les plus diverses, révélant ce que contiennent la terre et le bois pour nous les rendre à la fois étranges et familiers.

Fatiha Zemmouri ppFatiha Zemmouri/ © FOUAD MAAZOUZ

De ses heures de travail dans son atelier, l’artiste a élargi le champ de sa technique. Le charbon, qu’elle travaille depuis plusieurs années, est agencée de manière plus équivoque. Le cadre est déconstruit, en lui des percées de lumière se font jour. La matière vit, déborde (Naked Fire, Le poinçonneur des Lilas, Déconstruction). Matériau du paradoxe, à la fois rigide et fragile, la céramique se fait ici souplesse et douceur, disposée sur la toile à la manière de nids d’anémones, dans des espaces fragmentés qui semblent traverser par un courant (Floating seaweed, Ball of birds) et dont on doute des intentions réelles : créatures menaçantes ou espèces inoffensives ?

La céramique blanche et le charbon noir côtoient à la Galerie 38 une nouvelle série de tableaux où la couleur bleu, à l’encre dominante, est éclatée, vaporisée sous la forme de gouttes, se faisant elle aussi matière (Vague à lames, Insoutenable légèreté, Cell). A travers ces éléments primaires, la démarche poétique de Zemmouri rend universelles des questions individuelles et philosophiques sur le caractère mouvant et éphémère du monde, ses limites et le désir de permanence. Ses œuvres ont la faculté de cristalliser en une image, une matière, des enjeux métaphysiques dont ses réalisations deviennent le symbole, comme en témoignent ses vidéos de matières – terre séchée puis mouillée devenant boue, polystyrène percé transformé en dentelles – que l’on imagine dépérir en une lente agonie, à moins qu’il ne s’agisse d’une renaissance heureuse.

Le tragique de l’existence est résumé dans le titre de l’exposition, « Chant d’état transitoire », qui laisse deviner, par cet intitulé, toute l’étrangeté que porte le réel, cette fêlure du monde et de l’objet-sujet soumis au temps. Révélateur de cet indicible, Zemmouri nous saisit et nous soumet, une fois encore, à notre finitude et au vertige de la beauté.

 

Infos pratiques :

Galerie 38, Route d’Azemmor, Casablanca, du 28 septembre au 28 octobre 2017.

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