Dans le cadre de son cycle de conférences « Échanger pour mieux comprendre », la Fondation Attijariwafa bank a invité Asma Lamrabet, Directrice du Centre d’Etudes Féminines en Islam à un débat sur le thème « Où en est la pensée réformiste de l’Islam ? ». Une centaine de personnes issues du monde de la recherche universitaire, de la culture et de la société civile y ont assisté.
Dans son mot de bienvenue, Wafaâ Guessous, Directeur Général Adjoint du groupe Attijariwafa bank, a rappelé : « Le mois sacré du Ramadan est un moment idéal pour aller un peu plus en profondeur dans la réflexion et dans l’introspection, pour nous enquérir de l’évolution de la pensée islamique et de son impact sur notre quotidien et ce, dans un environnement en pleine mutation. Il va sans dire que dans cette effervescence ambiante, la femme a un rôle déterminant à jouer. »
Dans un échange fructueux avec Hanane Harrath, Journaliste à Médi1 TV, Asma Lamrabet a défini la notion de réformisme en Islam en faisant un rappel historique du courant réformiste, de ses grandes figures et de sa place dans la pensée islamique. «Repenser notre compréhension de la religion n’est pas quelque chose de nouveau. La réforme est inhérente à l’Islam et toutes les religions monothéistes ont connu leur réforme. D’ailleurs, il faut que la réforme soit inhérente à la religion pour que cette dernière reste dynamique. L’histoire de l’Islam est une histoire de réformes. »
Trois tendances en confrontation
Aujourd’hui, l’Islam connait trois grandes tendances : les Traditionalistes, courant majoritaire, qui refuse toute relecture des textes et confine à la lecture littéraliste du Coran et des interprétations ; les Orientalistes qui considèrent que le Coran est un texte comme les autres et doit être soumis à une étude historico-critique ; et une troisième tendance, très minoritaire, qui estime que les textes peuvent être soumis à la raison critique, sans pour autant les désacraliser. « Je suis une femme croyante, et il n’y a aucune incompatibilité entre la critique de la tradition et le fait d’être dans la foi musulmane », indique Mme Lamrabet.
L’auteure a ensuite expliqué sa méthodologie au regard de cette tradition réformiste dans l’Islam en précisant les objectifs de sa démarche. « On ne peut plus interpréter les versets du Coran de manière isolée car l’on sort, de ce fait, de la cohésion du texte. Il faut une lecture holistique pour respecter la cohésion du texte, une contextualisation de l’interprétation par rapport à la réalité d’aujourd’hui et une lecture finaliste des textes dans le sens de la justice et de l’utilité », dit-elle.
Le féminisme islamique
Mme Lamrabet a ensuite abordé ses centres d’intérêt, autour de la femme musulmane, à travers des thématiques telles que le « féminisme islamique », « la réinterprétation des textes sacrés, à partir d’une perspective féminine », et les thèmes sensibles tels que l’héritage et la polygamie. « Le féminisme n’est pas la lutte des femmes contre le religieux ou contre les hommes. C’est une prise de conscience des femmes par rapport à la discrimination, à l’injustice qui leur est faite », a défendu Mme Lamrabet. Elle ajoute, « Le travail des féministes est de prouver le décalage entre le texte du Coran et l’interprétation qui en a été faite, de critiquer l’interprétation et de démontrer qu’elle est antinomique au texte révélé. Il faut donc éviter de confondre les modèles de féminismes et les principes du féminisme qui défend l’égalité en droit, des hommes et des femmes ».
A l’issue de cet échange passionnant, l’assistance a engagé un débat enrichissant avec l’auteure afin d’approfondir sa connaissance sur son travail et les moyens de faire résonner sa pensée dans la société marocaine en particulier, et dans le monde musulman en général.