Latifa Ibn Ziaten est la mère de Imad, le militaire tué par Mohamed Merah en 2012 à Toulouse. Suite à la mort de son fils, Latifa a fondé l’association « Imad Ben Ziaten pour la jeunesse et la paix » et sillonne les quartiers de la France entière à la rencontre des jeunes pour les prévenir contre la radicalisation. En visite au Maroc, son pays d’origine, avec un groupe de femmes de cultures et de confessions différentes, Latifa Ibn Ziaten a bien voulu répondre à nos questions.
Actuelles: Tout d’abord, parlez-nous de votre engagement et de votre combat contre la radicalisation ? Comment est venue l’idée de créer l’association IMAD ?
Latifa Ibn Ziaten : Après la mort de mon fils Imad, militaire qui servait son pays jusqu’au bout de son devoir de soldat, j’ai voulu comprendre pour quelles raisons mon défunt fils est tombé sous les balles de ce terroriste. Je suis allée à la rencontre des jeunes vivant dans le même quartier de Mohamed Merah .
Lorsque je leur ai demandé s’ils connaissaient ce dernier, certains d’entre eux ont crié sans complexe que Merah était un héros de l’Islam et qu’il a mis à lui seul la France à genoux. J’ai senti que mon fils était mort une seconde fois. Toute émue, je me suis alors présentée à eux, ils ont pris conscience de leurs propos blessants et se sont excusés. Une certaine empathie et chaleur s’est dégagée. Je pense qu’ils ont vu en moi une mère qui leur rappelle la leur et qui souffre de la perte injuste de son fils. Et puis un à un, ils se sont confiés à moi. Ils m’ont parlé de leurs souffrances, du manque d’espoir en leur avenir. Ce sont des jeunes fragiles en quête d’avenir, d’un meilleur avenir. Ils vivent en vase clos, face à des murs de béton qui ne leur permettent pas de s’ouvrir à d’autres horizons. J’ai alors décidé d’aller vers ces jeunes, de discuter avec eux et de faire des projets afin de les faire sortir des ghettos où ils vivaient. Et l ‘association « Imad pour la jeunesse et la paix » est née. Depuis, je travaille avec une équipe de femmes et d’hommes afin d’aider ces jeunes issus de quartiers difficiles. Ces jeunes n’ont aucun espoir, il y a un vide dans leur vie et si on ne fait rien pour les aider, quelqu’un d’autre viendra le faire. La réinsertion de ces jeunes se fera par l’écoute et le dialogue mais aussi par les projets d’avenir.
Actuelles: Vous êtes au Maroc, votre pays, avec un groupe de femmes, parlez-nous de cette visite ? Des projets en vue ?
C’est un voyage de 10 jours que nous entamons avec une importante délégation de femmes européennes de confession différente,musulmane, chrétienne, juive et athée. Nous allons rencontrer plusieurs composantes de la société marocaine pour faire connaitre notre combat et puis apprendre de l’expérience des personnes qu’on va voir. Cette délégation est composée de 20 femmes, des mères au foyer, Cheffes d’entreprises, élues, militantes associatives ou politiques, juristes ou dans l’enseignement représentant toutes les régions françaises. Nous irons à la découverte de l’action de la femme marocaine, aux plus proches des citoyens dans le milieu associatif, économique et politique. Nous avons aussi RDV avec des femmes entreprenantes qui par leur action portent le changement du Maroc et font son développement. Durant ce séjour nous allons avoir des débats avec des philosophes, des artistes, des penseurs, des politologues et des jeunes Marocains, soucieux de leur avenir, sur la question de terrorisme et de l’éducation. Je souhaite un séjour riche qui ouvre la voie au dialogue pour la lutte contre l’obscurantisme et des idées destructrices qui gangrènent nos sociétés. Je souhaite aussi que ce séjour montre qu’il n’y a aucune frontière géographique, politique, confessionnelle pour les femmes qui veulent construire un monde meilleur et une société plus juste.