Les Aït-Débrouilles : Nettoyeuses de plage

Les Aït-Débrouilles : Nettoyeuses de plage

Sur cette photo prise sur la plage de Skhirat, ces femmes, visages masqués, portant casquettes et gants, ne vont pas pour une manifestation ni pour un sit-in et ne prennent pas la pose pour une séance photo. Il est 11 heures, le soleil tape et les plagistes sont foules, c’est le moment pour elles de se mettre au travail. Leur métier, nettoyeuses des plages et fières de l’être. L’équipe du webzine est fière de les nommer les Ait-Débrouilles de cette semaine et n’hésite pas à leur faire un clin d’oeil et à la marocaine.

 

Elles sont douze femmes sur un groupe de quarante hommes. Elles livrent une bataille acharnée de 11 heures du matin à 21 heures aux saletés et ordures qui trainent sur le sable comme sur les artères jouxtant la mer. Des femmes munies de balais, de pelles, de sac poubelles, avec un cache-nez fait maison,des gants,et des casquettes pour se protéger du soleil. Elles font le tour de la plage, elles débarrassent le sable des immondices jetées par les plagistes d’un jour « C’est fou ce que les gens peuvent jeter, des mégots, des canettes, des bouteilles, des restes de nourriture, des couches de bébés enterrées », constate Lakbira amèrement. C’est justement Lakbira qui sera le porte-parole de cette brigade verte, qu’on appellera nettoyeuses de plage. Elles sont âgées entre 30 et 45 ans, toutes mères avec des enfants à charge et font de ce travail saisonnier un moyen de gagner leur vie. « Nous sommes toutes divorcées ou veuves. Ce n’est qu’un travail saisonnier. Nous le faisons durant les trois mois d’été sinon, chacune de nous s’occupe autrement durant le restant de l’année » me confie Lakbira entre deux coups de balai.

Satisfaites du salaire

Car le reste de l’année, ces femmes font le ménage chez les riverains, travaillent dans les champs ou encore vendent galettes marocaines, thé et soupe dans les souks hebdomadaires de la région. « Ce que nous gagnons est largement suffisant pour cette rentrée scolaire de nos enfants. Ce travail nous permettra aussi d’acheter le mouton de l’Aid el kebir que nous fêterons prochainement », poursuit Lakbira qui semble soulagée du côté des dépenses à venir.

C’est la société S.O.S qui donne du travail à ces hommes et femmes nobles et vaillants. A ma question un peu indiscrète sur leur salaire « Hamdou lilah, nous sommes bien rémunérées et nous sommes même déclarées à la sécurité sociale et risque-maladie », me dira Lakbira non gênée. Le soir, la société s’occupe de leur transport qui les ramène jusqu’au-devant de leurs maisons.

Mais peut être que ces opérateurs de la salubrité auraient l’indécence de munir ces femmes et hommes d’outils et d’équipements plus professionnels (combinaisons, pincettes, attrape-déchets, etc.) nécessaires pour l’entretien des plages et artères. « Nous disposons d’une demi-heure dans la journée pour manger et nous reposer. Nous avons aussi une journée de repos dans la semaine que nous prenons à tour de rôle », m’informe la porte-parole de la brigade verte.

Le plagiste n’est pas éco-citoyen !

Effectivement, constat fait sur place, la saleté vient des visiteurs de la plage. A peine la plage et alentours nettoyés que toute nouvelle arrivée de plagistes amène avec elle son lot de saletés et d’ordures. Bien que des vingtaines de corbeilles sont mises à la dispositions des usagers, bien que des bennes soient installés dans chaque coin et malgré tous les slogans écrits dans toutes les langues, sensibilisant à la propreté des plages et du site, rien à faire. On dirait que foncièrement, le marocain ne veut absolument pas adhérer à la culture de la propreté et c’est regrettable. « La plage est toujours sale malgré tous nos efforts. Les gens ne se rendent pas compte du travail effectué toute la journée. Ils jettent les ordures où ils veulent. On dirait que le Marocain aime être entouré de saletés et aime baigner dans les immondices », s’indigne Lakbira.

Mais ce qui répugne et met hors d’elles ces nettoyeuses de plage, c’est ce manque de respect de la part des plagistes à leur égard. Entre phrases désagréables, mots blessants parfois même harcèlement « Les gens ne sont pas obligés d’être désobligeants. Nous faisons un travail comme un autre, il n’y a guère de travail sot ou répugnant ». Et dame Lakbira a totalement raison. C’est un travail des plus nobles et des plus respectueux. C’est au citoyen de changer de comportement et d’être civique. Et si on changeait de rôle et que chacun de nous devrait une fois dans sa vie devenir balayeur ou balayeuse pour une journée, pour se responsabiliser ? Ces femmes balayeuses méritent le respect et la considération de tous et de toutes.

Enfin si vous vous apprêtez à étaler votre serviette de plage sur un sable propre et vous baignez dans une eau bleue, sachez que des travailleurs de « l’ombre » des femmes et des hommes sont passés par là car, ils ne se permettraient pas de laisser aux visiteurs une plage sale et inhospitalière. Alors avec beaucoup de civisme, un GRAND clin d’oeil et bien à la marocaine pour notre brigade verte.

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