Malgré les progrès réalisés, la violence faite aux femmes et aux filles au Maroc reste alarmante. Selon l’enquête de prévalence du Haut Commissariat au Plan, 62,8% des femmes sont touchées par ce phénomène. Selon la même source, la violence est bien plus élevée en zone urbaine qu’en zone rurale. Les violences faite aux femmes surviennent dans les lieux publics, dans la rue, en famille, au travail. En politique plusieurs femmes sont exposées à des actes de harcèlement, et de misogynie connue, par violence politique.
« Lois contre les violences à l’égard des femmes: Regards croisés Maroc -Tunisie » est le thème de la journée d’étude organisée le jeudi 19 octobre à Rabat à l’initiative du Conseil national des droits de l’Hommes, l’ONU-Femmes et de la Coalition Printemps de la Dignité. Cette rencontre a réuni un panel d’acteurs institutionnels et organisations de la société civile, défenseurs des droits des femmes impliqués dans la problématique de la prévention et de la réponse à toutes ces violences que subit la femme et les filles.
Pour faire miroir, échanger et partager des réflexions, une lecture croisée de la loi tunisienne et du projet de la loi marocaine notamment à travers l’analyse de deux juristes spécialisées, marocaine et tunisienne qui ont livré chacune leurs points de vue respectifs sur les textes des deux pays.
Révolution législative
C’est Sana Ben Achour qui ouvrira le bal de ce regard croisé. Femme politique et acteur social, elle est professeur universitaire, spécialisée en droit public. En 2012, elle crée la maison d’hébergement des femmes dans le besoin « Beity », premier foyer associatif tunisien. Sana a participé au premier comité de rédaction de la loi tunisienne sur les violences faites femmes.
Comportant 43 articles dans sa version actuelle, le texte adopte une approche globale qui va de la prévention, aux poursuites pénales, les sanctions ainsi que la protection et l’assistance des victimes. Considéré comme une “révolution législative” il est considéré, dans ce contexte en harmonie avec la Constitution et les accords internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la Tunisie. Sana Achour a expliqué que « L’accent a été mis sur la nécessité de surmonter les divergences politiques et idéologiques afin de préserver la femme, l’enfant, la famille et la société tunisienne dans son ensemble de toutes les formes de violence ».« Cette loi est importante, il n’en demeure pas moins qu’il est appelé à la nécessité d’intensifier les campagnes de sensibilisation dans les régions intérieures et rurales afin de lutter contre les mentalités misogynes » conclut la tunisienne.
Un projet de loi discriminatoire
La 2ème partie de la rencontre a été animée par Khadija Rouggany. Avocate et vice-présidente de l’ADFM, Khadija est une fervente défenseure des droits des femmes, la lutte contre les discriminations fondées sur le genre et plaidant pour l’égalité entre les sexes. Dans son intervention, au-delà du rapprochement temporel, elle étala les similitudes et les différences entre les deux textes législatifs « Au Maroc, des réformes législatives, certes, il y en a eu. Des réformes qui ont accompagnées de plans d’action nationaux, comme la stratégie nationale contre la violence faite aux femmes, avec des initiatives portées par différents départements ministériels, cependant, les avancées qu’a connues le Maroc, doivent être davantage renforcées, notamment par un accès renforcé des femmes à la justice, la lutte contre l’impunité à l’égard des auteurs de violences et une politique préventive», insista-t-elle.
Le projet de loi 103-13
Pour rappel, ce projet qui a été adopté par le Conseil du Gouvernement le 17 mars 2017, puis par la Chambre des Représentants le 20 juillet de la même année, fait l’objet d’importants débats et reste en attente de son adoption par la Chambres des Conseillers.
Principale pierre d’achoppement entre bon nombre d’associations de défense des droits des femmes et le ministère de tutelle, ce projet qui a suscité beaucoup de réactions dans la salle, est vidé de tout fondement, recommandant une revue totale, pour être un projet de loi exhaustif sur les violences faites aux femmes et aux filles « Car au moment ou le Parlement tunisien vient d’adopter une loi intégrale sur les violences faites aux femmes, au Maroc, la loi 103-13 telle qu’elle est présentée ne rempli pas les conditions de protection judiciaire à la femmes victime de violence ».