La journée mondiale de l’autisme est célébrée le 2 avril. Au Maroc cette journée ne passe pas inaperçue. Plusieurs associations oeuvrant dans le domaine de l’autisme chez l’enfant s’activent intensément pour sensibiliser le grand public. Hanaa Zahi maman de Taha qui souffre d’autisme a bien voulu partager avec nous son quotidien, et son vécu mais aussi un appel pour que l’Etat et les responsables s’impliquent d’avantage. Une formidable maman, comme les autres mamans, mais chez qui l’autisme fait ressortir des pouvoirs qui sont cachés et dont on n’a pas besoin quand on a des enfants neurotypiques.
Actuelles : Etre maman d’un enfant autiste fait de vous une maman comme les autres ou plus que les autres?
Hanaa Zahi : Comme les autres. Parce que chaque maman est la meilleure maman pour son enfant. L’autisme fait ressortir les super pouvoirs qui sont cachés et dont on n’a pas besoin quand on a des enfants neurotypiques. Souvent les « autres » mamans admirent le courage de la maman d’enfant autiste mais oublient qu’elles auraient fait pareil si la vie en avait décidé autrement. Ce qui est vrai c’est que, avoir un enfant avec autisme requiert BEAUCOUP d’énergie.
Actuelles : Pouvez-vous nous présenter Taha et comment avez-vous décelé l’autisme chez lui?
Hanna Zahi: Taha est une belle âme. Une âme pure et sensible, souvent en décalage avec notre monde. A 4 ans il ne parlait pas encore. Il a commencé à parler une fois la thérapie ABA mise en place. Une adorable fille qui travaillait avec moi à l’époque et qui avait travaillé avant dans des associations espagnoles pour enfants à besoins spécifiques, m’a alertée qu’il ne s’agissait pas d’un simple retard de langage. Grâce à Dieu et à Elsa, on a commencé le périple du diagnostic, la recherche de thérapie, etc.
Actuelles : Vivre aux côtés d’un enfant autiste n’est certes pas chose facile, à quoi ressemble le quotidien d’une maman et aussi la famille ?
Hanaa Zahi :Vivre l’autisme jour à jour est très difficile. La première année est cauchemardesque. On a le sentiment d’être perdu et désespérément inutile. On angoisse à l’idée que l’enfant ne puisse jamais devenir autonome et mener une vie normale. On commence à avoir peur de mourir et laisser derrière un enfant si vulnérable. Personnellement, j’ai eu la « chance » d’avoir un diagnostic rapidement mais beaucoup de familles trainent des années avant d’avoir un diagnostic. Au Maroc, le diagnostic est suivi d’un vide terrible : absence de psychologues spécialisés dans les méthodes comportementales et la prise en charge de l’autisme, écoles insensibles et presque fermées aux enfants spéciaux, système éducatif archaïque et figé, manque d’AVS pour accompagner les enfants, manque de formations pour les parents et pour les AVS, non structuration de ce secteur laissant la place aux abus les plus inimaginables. DEMISSION TOTALE de l’ETAT vis-à-vis cette problématique.
Contrairement aux enfants neurotypiques, les enfants avec autisme ne laissent pas de répit à leurs parents en grandissant. Dès que les parents deviennent experts en une tranche d’âge, il faut faire face aux problèmes et difficultés de la tranche d’âge suivante. Aucun parent n’est préparé pour ça. On ne s’attend pas à avoir besoin de connaissances en psychologie, en enseignement, en gestion de crises et de conflits, en infirmerie, en psychomotricité. Et pourtant toutes les mamans (et certains pères aussi) doivent acquérir ces connaissances.
Evidemment, tout n’est pas négatif dans le monde de l’autisme. Tout progrès même minime est vu comme un exploit. Un regard, une réaction appropriée, une phrase bien exprimée… peut procurer un bonheur infini aux parents. Vivre avec une personne avec autisme c’est voir le monde avec d’autres yeux. C’est apprendre à penser différemment. C’est s’en remettre à Dieu pour qu’il garde et protège ces âmes pures de la pollution qui enveloppe notre monde (sur tous les plans). C’est apprendre à relativiser. Nous apprenons plus d’un enfant avec autisme qu’on ne lui enseigne.
Avec le recul, je ne changerai rien à mon aventure. C’est le meilleur enfant que je n’aurais jamais imaginé d’avoir. C’est un cadeau de Dieu. Hamdollah !
Avenir ? Je n’ai aucune visibilité. Une des premières leçons des familles vivant l’autisme, c’est d’apprendre à vivre au jour le jour. Si on arrive à planifier une année, on est très contents. J’en suis là. Chaque année avec son lot d’obstacles et d’apprentissages. Nous l’accompagnons et gardons nos instincts alertes pour déceler tout intérêt qui puisse lui servir de projet de vie. Puisse Dieu guider nos pas !