Toxoplasmose : quels risques ?

Toxoplasmose : quels risques ?

La toxoplasmose congénitale est une maladie bien connue des femmes enceintes, elle présente de sérieux risques pour les fœtus et les sujets ayant un système de défense immunitaire affaibli.
L’Institut National d’Hygiène de Rabat s’est penché récemment sur le sujet en partenariat avec l’Université de Médecine de Chicago (USA) au cours du premier symposium international sur la Toxoplasmose congénitale au Maroc. Explications de Dr. Kamal El Bissati, Professeur Assistant à l’Université de Médecine de Chicago.

Actuelles : Qu’est-ce que la toxoplasmose congénitale?

: C’est l’infection du fœtus par le parasite toxoplasma gondii transmis par la mère. Cela suppose que la mère a été en contact avec le parasite pendant sa grossesse et qu’elle n’était pas immunisée contre cette maladie (c’est-à-dire n’a jamais été au contact du parasite avant d’être enceinte).

Actuelles : Quelles sont ses conséquences sur la santé ?

Dr. Kamal El Bissati : la toxoplasmose est une maladie non contagieuse (sauf dans le cas ou la transmission du parasite se fait par une mère à l’enfant qu’elle porte). Elle reste le plus souvent bénigne et asymptomatique. Toutefois, elle peut causer des complications parfois graves chez:
-les patients ayant des défenses immunitaires diminuées
-les fœtus des femmes enceintes n’ayant pas été au contact du parasite avant leur grossesse. l

La période d’incubation de la maladie reste mal connue. On estime qu’elle dure entre cinq et dix jours après consommation d’aliments contaminés. Dans certains cas, divers symptômes comme une fièvre moderée et douleurs dans les articulations apparaissent.

Lors d’une contamination, le parasite reste présent dans le corps (principalement dans le tissu nerveux et les muscles) pendant des années. Toutefois, il n’entraîne pas de symptôme, car le système immunitaire de la personne infectée le maintient sous une forme inactive.

Actuelles : Comment la détecter?

Dr. Kamal El Bissati : c’est essentiellement chez les patients immunodéprimés et chez la femme enceinte que se situe l’intérêt du diagnostic sérologique de la toxoplasmose, c’est-à-dire la recherche et le dosage des anticorps spécifiques anti-toxoplasme.

-Chez un sujet immunodéprimé, la toxoplasmose peut être grave suite à une réactivation de la forme kyste du parasite, d’où l’intérêt de surveiller les taux d’anticorps chez ses patients. Une prise de sang est nécessaire pour détecter la présence d’anticorps que le corps a développé pour se défendre contre la maladie.

Chez une femme enceinte, le diagnostic sérologique est réalisé en début de grossesse afin de savoir si elle est « protégée » ou non contre la toxoplasmose. En effet, s’il existe des anticorps cela reflète une ancienne infection et donc pratiquement aucun risque de transmission au bébé. Dans le cas contraire, des mesures de précaution doivent être prises pour ne pas contracter la maladie pendant la grossesse (consommation de viande bien cuite, attention aux chats qui transmettent le parasite) et une surveillance sérologique sera effectuée tous les mois jusqu’à la fin de la grossesse. En plus de prise de sang du patient pour détecter la présence d’anticorps, il y a aussi recours à un échantillon de liquide amniotique (lamniocentèse) permet aussi de détecter la présence du parasite et on suivra le développement du bébé grâce à l’échographie

Actuelles : Quels sont les moyens de protection ?

Dr. Kamal El Bissati : pour éviter une contamination par la toxoplasmose, des mesures d’hygiène préventives sont fondamentales. Elles consistent notamment à bien se laver les mains et à nettoyer les fruits et légumes souillés de terre. Au cours d’une grossesse, certains aliments doivent également être évités. Des gestes au quotidien peuvent être adoptés:
-portez des gants pour jardiner ou; pour tout contact avec la terre
-pour les femmes enceintes, rincez les crudités et éviter de manger la viande crue. Les cuissons doivent être à plus de 68°c, qu’elle soit rouge ou blanche.
– évitez de consommer des moules, des huîtres ou tout autre mollusque cru.

Actuelles : Quelles sont les avancées réalisées dans le traitement de la toxoplasmose ?

Dr. Kamal El Bissati : Dans la plupart des cas, chez les personnes ayant des défenses immunitaires normales, aucun traitement n’est nécessaire contre la toxoplasmose.
Une prise de médicaments est parfois nécessaire, selon les situations.
Si l’enfant présente une toxoplasmose congénitale confirmée par une analyse du liquide amniotique, deux antibiotiques (pyriméthamine et sulfadiazine) sont prescrits en association. Ces médicaments ont un grand effect sur le patient mais sont associés à des effets indésirables, comme l’anémie.

Malheureusement, le traitement n’existe pas sur le marché marocain, ce qui ajoute une autre difficulté aux familles marocaines. Très récemment aux USA, le prix de ce medicament est augmenté de 5000% rendant l’acquisition très difficile chez les familles. Beaucoup d’équipes de recherche se sont penchées à trouver des alternatives de medicament pour surpasser l’utilisation du pyrimethamine mais sont encore loin d’être sur le marché.

Il n’existe pas de vaccin contre la toxoplasmose. Des résultats très prometteurs sont obtenus à notre laboratoire à l’université de médecine de Chicago avec des collègues de Walter Reed Army Institute of Research (WRAIR) aux USA sur des souris humaines transgéniques ont développé une plate-forme de nano-vaccine contre la toxoplasmose. Ces résultats sont récemment publiés au Journal Clinical investigation insight. La même plate-forme va rentrer dans des essais cliniques chez les humans contre la malaria en 2017.

Actuelles : Quel est l’état de lieu au Maroc ?

Dr. Kamal El Bissati : Au Maroc et sur le plan épidémiologique, les données sur la toxoplasmose sont disparates et il n’existe pas de registre pour la toxoplasmose. En ce qui concerne la prise en charge, le traitement n’existe pas sur le marché marocain.

Actuelles : Quelle valeur ajoutée pouvez-vous apporter à ce domaine au Maroc ?

Dr. Kamal El Bissati: Ce meeting sur la toxoplasmose à l’Institut National d’hygiène de Rabat avec l’Université de Médecine de Chicago (USA)et TRI (Toxoplasmosis recherche Institut, USA) est le troisième symposium sur les maladies chroniques à haut impact au Maroc qu’on a organisé durant les dernières années. Notre dernière expérience de collaboration était dans le domaine des hépatites virales organisées à Marrakech, Fès, Oujda et Rabat, pour sensibiliser la population sur les enjeux d’autres maladies chroniques a connu un large succès.
Dans le domaine de la toxoplasmose, on va:
1-informer le public sur les nouvelles avancées de traitement et de recherche sur la toxoplasmose congénitale.
2- faire l’état des lieux de suivi de cette maladie à l’échelle nationale.
3-suivre la distribution génétique des parasites qui circulent au Maroc
3- Identifier les ressources et plateformes des institutions qui peuvent mener des collaborations de recherche dans ce domaine.

004ecbe  Dr. Kamal El Bissati, Professeur Assistant à l’Université de Médecine de Chicago.

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