Le Musée de Bank Al-Maghrib organise jusqu’au 30 juin 2021 une rétrospective en hommage à Abbès Saladi. L’occasion de découvrir ou redécouvrir cet artiste marocain hors pair et prendre la mesure de ce qu’a été son parcours.
Réparties en trois grandes étapes totalisant à peu près quinze ans de productions ininterrompues, une soixantaine d’oeuvres – dont certaines jamais encore dévoilées au public – ouvrent grand sur un monde imaginal suprasensible, où sont exaltées les formes d’une réalité qui n’a de réel que l’apparence et dont l’intelligence échappe aux définitions classiques de la figuration.
“En pénétrant dans l’univers plastique d’Abbés Saladi, on se trouve pris dans une atmosphère de fable, de rêve métamorphique peuplé de sensations étranges sans commune mesure avec l’état normal de Fa sensibilité consciente et agissante_ Ce sont des brèches surnaturelles dans l’envers des choses d’un visionnaire, un condensé de croyances populaires fantasmées à souhait, une transfiguration de formes et signes hérités du milieu où a vécu l’artiste pareil à un vivier de mythologies qui imposent une double approche de l’histoire de l’art à la fois mystique et phénoménologique »lit-on sur la note du Musée.
La rétrospective donne aussi à voir un certain nombre d’archives jamais révélées qui renseigne un peu plus sur l’importance du parcours de Saladi des archives sonores inédites, des catalogues et des publications collectives qui lui ont été consacrés, des livres (roman, poésies, contes) illustrés par l’artiste, des affiches d’expositions auxquelles d avait pris part, d’anciennes et rares photos de lui, seul, ou en compagnie de ses proches. Sont exposés également, comme des fétiches toujours habités par le génie qui les avait manipulés, des objets personnels de l’artiste. « Cette exposition hommage est couronnée par l’édition d’un catalogue qui met en lumière le parcours et la diversité des réalisations de l’artiste, ainsi qu’une vidéo témoignages d’amis et personnalités artistiques et culturelles qui ont connu et fréquenté Saladi » continue la note.
PARCOURS : Illumination poétique (fin des années 1970)
Cette première étape du parcours plastique de Saladi montre une évolution des débuts quasiment naïfs de l’artiste vers une expression des formes de plus en plus personnalisée Dans les premiers travaux, le réel comme source d’inspiration est encore là avec des personnages pittoresques s’activant sur une place publique marchande qu’entourent des boutiques présentant des articles artisanaux; l’architecture des lieux est passablement reproduite à l’identique_ Dans les tableaux suivants, la donne imaginative commence changer de facture et de tons. Le chromatisme se caractérise de plus en plus par une certaine brillance et sa fonction a des relents symboliques.
Envol visionnaire (1980-1985)
Dans cette deuxième partie, Saladi a trouvé sa voie d’artiste créateur à proprement parler. Il a délimité le champ de ses investigations formelles et esthétiques, a répertorié ses motifs architecturaux et végétaux, affiné son matériau_ La morphologie et la nudité de ses personnages ont pris un cachet spécial. Tout ce qu’il a produit à cette époque et pendant la suivante qui est plus syncrétique, montre qu’il a désormais fait son entrée par la grande porte dans les arcanes d’un imaginaire pavé de visions surnaturelles.
La consécration (1986-1992)
Avec la finesse inimitable de son trait, avec son collorisme intuitif adapté à chacune de ses compositions, Saladi a mûri son expérience ; s’est définitivement approprié un art qui le propulse dans la catégorie des grands peintres marocains modernes. Très courte, cette étape se prévaut cependant par des réalisations d’une plus grande technicité, par des tactiques scénographiques qui font rêver et parlent à l’imagination de l’existence d’un supra-monde, nominativement le paradis de Saladi.