Souad Balafrej est la gérante de la célèbre librairie Kalila wa Dimna à Rabat depuis plus de 25 ans. Elle nous ouvre les portes de ce lieu mythique, et nous parle de la rentrée littéraire au Maroc.
Actuelles : Parlez-nous de l’histoire de votre librairie « Kalila wa Dimna »?
Souad Balafrej : Kalila wa Dimna est sans doute la plus ancienne librairie au Maroc. Elle est connue sous le nom de Kalila wa Dimna depuis 1974, et fait suite à la librairie Céré, créée en 1948, et dont seuls les vieux R’batis se souviennent encore. Ma librairie est généraliste, elle est fréquentée par des universitaires ou des professions libérales et beaucoup de femmes. Les femmes lisent et écrivent beaucoup. Depuis peu, nous offrons aussi la possibilité à nos lecteurs de commander et d’acheter des livres sur notre site, et de se les faire expédier chez eux.
Actuelles : Pouvez-vous nous décrire une journée type d’une libraire ?
Souad Balafrej.: La journée d’un libraire est toujours bien remplie et les tâches se succèdent et ne se ressemblent pas. En général, on commence par revoir les ventes de la veille pour replacer sur les étalages les livres vendus et éventuellement commander ce qui manque. Puis le courrier pour répondre aux clients et aux fournisseurs, le classement des factures, des pièces administratives très nombreuses; l’organisation d’évènements dans la librairie ou dans des lieux culturels ou des universités…
Actuelles : A l’heure du numérique, pensez-vous que le livre a encore de l’avenir?
Souad Balafrej.: C’est un grand débat que celui de l’avenir du livre à l’ère du numérique. Sans prétendre trancher en quelques phrases, on peut dire que le numérique apporte de grands changements dans la production de livres, dans leur distribution, dans les modes de lecture puisque, à côté du livre, il y a d’autres supports comme la tablette ou le livre numérique.
Le problème ne se pose pas dans les mêmes termes dans notre pays que dans les pays développés en raison des circonstances qui nous sont propres, faiblesse de la production éditoriale, archaïsme des modes de production et de distribution, étroitesse du marché des livres. Mais on pourrait souhaiter que les nouvelles technologies soient un moyen pour rattraper notre retard et pour répandre le savoir auprès du plus grand nombre. Il serait souhaitable qu’un organisme spécifique soit dédié à la réflexion sur ce domaine qui est de la plus haute importance pour les futures générations.
Actuelles : Peut-on parler d’une rentrée littéraire au Maroc?
Souad Balafrej : Le terme de rentée littéraire désigne un phénomène propre à l’édition française. Dans ce pays, un très grand nombre de livres sortent entre le mois d’août et le mois de septembre de l’ordre de six cent ouvrages et ce, pour se positionner par rapport aux nombreux prix littéraires qui sont décernés entre octobre et décembre dont le fameux prix Goncourt. L’attribution d’un prix multiplie considérablement le nombre de ventes. C’est donc un phénomène commercial qui n’a pas d’équivalent chez nous. Au Maroc, on observe quelques parutions en janvier et février avant le Salon du livre de Casablanca.