Aux Jardins Exotiques des Boulknadel, le coup d’envoi de la saison printanière est donné par l’organisation de la traditionnelle journée dédiée à la distillation des fleurs d’oranger. Cette vieille tradition qui fait partie de notre patrimoine immatérielle, menacée de disparaître de nos jours, continue toujours à attiser la curiosité des femmes et hommes, jeunes et moins jeunes démontrant ainsi leur respect envers une pratique ancestrale.
En cette journée du 22 avril, tous les ingrédients étaient réunis. Un soleil, bien que, un peu timide, des plantes et des fleurs sublimes, un site naturel remarquable, spacieux, au décor soigné et très bien équipé. Des oiseaux sont aussi au RDV, chantant la présence des visiteurs, venus nombreux aux jardins des Boulknadel et puis les passionnés de cette parcelle de tradition, la distillation de fleur d’oranger et de fleur de rose qui organisent gratuitement cette manifestation partageant ainsi avec le public le contact direct avec la nature.
La Fondation Mohammed VI pour la Protection de l’Environnement et l’Association des Amis des Jardins Exotiques des Boulknadel, ASAJEB sont les initiateurs de cette manifestation. Ils sont dans leur énième démonstration d’extraction par distillation. Cette année la manifestation a été un peu retardée sur sa date prévue « Nous avons reculé la date de la distillation car les fleurs n’ont pas fleuri tôt .Comme chaque année , l’équipe tient absolument a organiser cette activité puisque notre souhait et celui de toute la team de l’ASAJEB est de partager avec notre public-visiteur des moments exceptionnels, le contact avec la nature, le partage d’un patrimoine naturel exceptionnel, une faune et une flore méconnus, avec convivialité et accueil chaleureux » confie une membre de l’ASAJEB. Du thé parfumé à l’eau de fleur d’oranger sera servi plutard aux visiteurs et à volonté.
« Ma Zhar », la fleur de la « chance »
L’eau de fleur d’oranger connue chez nous par « Ma Zhar » est préparée avec les fleurs de bigaradier. On en trouve dans le commerce, mais celle distillée à la maison est de bonne qualité et est bien plus parfumée « Au printemps, on cueille les fleurs, on les étale pendant deux jours sur un linge, dans un endroit abrité et, on procède alors à la préparation de l’eau de fleur d’oranger. Une pratique qui puise ses origines de nos ancestrales traditions » explique notre interlocutrice.
Et pour mieux illustrer cette pratique de distillation, le mieux est de faire parler Hajja Keltoum et deux autres amies, venues spécialement de la ville de Meknès, avec attirail et produits de la même région. Vêtues de leurs plus beaux atours, dans peu elles vont nous dévoiler cet art, dont elles seules détiennent le secret «L’eau de fleur d’oranger est fait par les yeux et les mains » nous informe El Hajja , déjà à l’oeuvre « Un kilo de fleurs d’oranger donne deux litres d’eau concentrée et un troisième litre un peu moins parfumé. Il faut compter une demi-journée pour distiller six kilos de fleurs. »
Distillation, mode d’emploi
Pour cette distillation, El Hajja et ses amies utilisent une quêtera ou alambic en cuivre, formée d’une partie inférieure, la Q’dra où l’on met l’eau à bouillir ; la partie centrale, le Keskas ressemble au haut du couscoussier « C’est dans ce récipient troué que l’on met les fleurs, la partie supérieure, la quêtera est remplie d’eau froide. Elle a deux tuyaux. Après avoir traversé les fleurs et s’être imprégnée de leur parfum, la vapeur refroidie par l’eau de la quêtera se condense et s’écoule goutte à goutte par le tuyau le plus bas dans une bouteille en verre. Chaque fois que l’eau de la quêtera chauffe, on la vide par le tuyau le plus haut, doté d’un petit robinet » explique aisément El Hajja Keltoum ce savoir-faire artisanal, aux nombreux curieux venus suivre l’opération de taqtar ou distillation. Cette essence de fleurs d’oranger est mise dans des flacons, puis soigneusement fermés avec étiquettes posées indiquant la marque, le made in Jardins Exotiques des Boulknadel. Comme conseil d’emploi de cette eau, El Hajja explique « La fermeture quasi hermétique permet à l’eau de respirer sans être polluée par les odeurs ambiantes mais le meilleur, c’est de laisser ces flacons dans l’obscurité sous une couverture ». « Mais il est préférable d’attendre le 40 ème jour, pour l’utilisation ou la consommation de cette eau » continue la dame. A noter que l’on distille de la même façon l’eau de rose, et c’est la rose de Kelaat Mgouna qui est la plus prisée, très appréciée pour son parfum et ses vertus en cosmétique et en médecine traditionnelle.