« Le véritable enjeu de la fécondité n’est pas le nombre d’enfants que les gens ont, mais les raisons pour lesquelles ils n’ont pas autant d’enfants qu’ils le souhaiteraient».C’est là l’un des constats majeurs du rapport 2025 sur l’état de la population mondiale présenté par l’UNFPA en collaboration avec le Haut Commissariat au Plan (HCP) à l’occasion de la Journée mondiale de la population. Ce rapport met en lumière une réalité souvent invisible : des millions de personnes à travers le monde se heurtent à des obstacles économiques, sociaux ou structurels qui les empêchent de réaliser leur projet parental. Il ne s’agit pas d’un rejet de la parentalité, mais d’un manque de choix réels. Notre responsabilité collective est donc de créer les conditions pour que chaque femme, chaque homme, chaque jeune puisse faire des choix éclairés, dans la dignité, l’égalité et la confiance en l’avenir.
Quelle est la nature de la collaboration entre l’UNFPA et le HCP ?
La collaboration entre l’UNFPA et le Haut-Commissariat au Plan (HCP) est à la fois stratégique, historique et exemplaire. Elle repose sur une vision commune : faire des données un levier central pour éclairer les politiques publiques et garantir les droits humains. Depuis plusieurs années, nous travaillons ensemble pour renforcer la production, la diffusion et surtout l’utilisation des données fiables sur les dynamiques de population, qu’il s’agisse de fécondité, de vieillissement, de mobilité ou de jeunesse.
Ce partenariat soutient activement l’investissement dans la réalisation des droits des jeunes, des femmes et des personnes âgées, en mobilisant les évidences pour orienter les décisions publiques.
Il contribue aussi à un objectif structurant pour le Maroc : la captation du dividende démographique. En transformant la fenêtre démographique actuelle, caractérisée par une population encore jeune, en opportunité de développement durable et de croissance économique inclusive, ce partenariat entre l’UNFPA et le HCP se positionne comme un pilier de la planification stratégique à long terme du pays.

Le rapport parle de « crise de fécondité »,que faut-il comprendre ?
Le rapport 2025 de l’UNFPA confirme une tendance désormais mondiale : la fécondité est en baisse presque partout, dans des pays aux profils très différents, du Nord comme du Sud. Ce recul est observable dans des contextes aussi divers que l’Allemagne, la Corée du Sud, le Brésil ou le Nigeria, mais les raisons, les rythmes et les conséquences varient considérablement. Pour autant, ce que met en évidence le rapport n’est pas une crise démographique au sens statistique, mais une crise beaucoup plus profonde : une crise de liberté, d’accès et de justice sociale.
La question n’est pas de savoir pourquoi les femmes ou les couples font « moins d’enfants », mais pourquoi tant de personnes ne peuvent pas avoir les enfants qu’elles souhaitent avoir. Le rapport montre que, partout dans le monde, de nombreuses femmes et hommes sont contraints dans leur projet de parentalité par des facteurs structurels : précarité économique, insécurité professionnelle, absence de services de garde, inégalités de genre, manque d’accès à la santé reproductive, ou encore peur d’un avenir incertain.
Dans ce contexte, le désir d’enfant existe, mais il est souvent réprimé par les conditions de vie. Ce décalage entre aspirations et réalité constitue le cœur de la crise actuelle.
Le rapport plaide donc pour un changement de paradigme : il ne s’agit pas d’augmenter ou de réduire les taux de fécondité à tout prix, mais de créer les conditions pour que chacun puisse faire des choix reproductifs libres, éclairés et soutenus. Car une société où les femmes et les hommes ne peuvent pas décider librement de leur vie familiale est une société en crise, non pas démographique, mais profondément humaine.
Le rapport parle aussi de « Libre choix ».Peut-on encore parler de liberté en matière de procréation?
Ce rapport invite à une réflexion fondamentale : si tant de personnes dans le monde se trouvent dans l’incapacité de concrétiser leur projet parental, alors peut-on réellement parler de libre choix en matière de fécondité ? Le libre arbitre suppose l’accès à l’information, à des services de santé reproductive de qualité, à un environnement économique et social qui permette aux individus de décider librement s’ils souhaitent avoir des enfants, quand et combien. Or, ce n’est tout simplement pas le cas pour des millions de femmes et d’hommes à travers le monde.
Le rapport de l’UNFPA met en lumière les multiples formes de contraintes invisibles : instabilité financière, absence de soutien aux familles, inégalités dans le partage des responsabilités parentales, pression sociale ou culturelle, peur de l’avenir… autant de facteurs qui entravent des choix pourtant profondément personnels.Plus encore, il rappelle qu’aujourd’hui encore, la grossesse reste, dans de trop nombreux cas, un évènement subi plutôt que désiré, ce qui témoigne d’un déficit d’autonomie reproductive. Ainsi, ce n’est pas seulement une crise de fécondité que nous traversons, mais une crise de la capacité à choisir, à choisir sa vie, son rythme, sa famille. Promouvoir le libre choix en matière de procréation, ce n’est pas seulement défendre un droit individuel. C’est reconnaître que la liberté reproductive est un pilier de la dignité humaine, du développement durable et de l’égalité entre les sexes.
Concernant les marocains,pourquoi font-ils de moins en moins d’enfants?
D’abords, il faut noter que le rapport sur l’état de la population mondiale 2025 de l’UNFPA, confirme aussi une baisse rapide et significative de la fécondité au Maroc en harmonie avec ce qu’a révélé le Recensement Général de la Population et de l’Habitat 2024 du Haut-Commissariat au Plan. En effet, si en 1982, une femme marocaine avait en moyenne 5,5 enfants, en 2024, ce chiffre est tombé à 1,97 enfant par femme, soit en dessous du seuil de renouvellement des générations, fixé à 2,1.
Mais au-delà de cette baisse de fécondité, les résultats du rapport révèlent une réalité préoccupante : un tiers des Marocains interrogés déclare ne pas avoir pu atteindre le nombre d’enfants qu’il souhaitait. Et ce constat ne découle pas d’un désintérêt pour la parentalité, mais d’une accumulation d’obstacles concrets, souvent structurels.
En premier lieu, les contraintes financières sont de loin la raison la plus fréquemment évoquée : près de la moitié des répondants citent le coût de la vie, le logement ou l’éducation comme freins majeurs à la réalisation de leur projet familial. S’y ajoutent d’autres facteurs : l’accès difficile au logement, les problèmes de santé ou maladies chroniques, ainsi que la répartition inéquitable des responsabilités parentales, qui pèsent lourdement sur les femmes. Ces résultats confirment que le désir d’enfant est bien présent, mais que les conditions actuelles de vie au Maroc, sociales, économiques, institutionnelles, en limitent la concrétisation. Ils révèlent aussi une fracture silencieuse : celle qui sépare l’aspiration personnelle à la parentalité, du soutien réel que la société apporte aux individus pour y parvenir.
Comment remédier à cette situation dans l’immédiat?
Le rapport de l’UNFPA propose un cap clair : plutôt que de chercher à corriger artificiellement les taux de fécondité, il faut créer les conditions permettant à chacun de faire des choix parentaux libres et éclairés.
Cela implique d’abord des politiques publiques pro-famille, qui soutiennent réellement les parents : congés parentaux équitables, crèches accessibles, horaires de travail flexibles, et accompagnement à la parentalité.
Il s’agit aussi de garantir l’accès universel à des services de santé reproductive de qualité, y compris pour les jeunes, et de faire en sorte que la fertilité ne devienne pas un privilège réservé aux plus aisés.
Un autre levier crucial est la transformation des normes sociales, pour permettre un partage équitable des responsabilités parentales. Trop souvent, la parentalité repose uniquement sur les femmes, ce qui limite leurs choix professionnels, éducatifs et personnels.
Enfin, il faut un nouveau pacte social, en investissant dans le logement, l’éducation, l’emploi et la protection sociale, afin de réduire les incertitudes qui pèsent sur les jeunes générations. Ces mesures ne sont pas accessoires : elles sont essentielles pour faire de la parentalité un choix possible, soutenu et compatible avec une vie digne, et ainsi, transformer la fenêtre démographique actuelle en véritable opportunité de développement pour le Maroc.
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Rapport sur l’État de la population 2025,le Maroc fait moins d’enfants!