Le 14 février 2018, le parlement marocain a définitivement adopté le projet de loi contre les violences à l’égard des femmes. Les organisations de défense des droits humains et féministes estiment cette loi est très décevante. Non seulement certaines formes de violences, comme les violences psychologiques, économiques, politiques, administratives, ne sont pas prises en compte, mais les peines prévues pour certaines infractions comme le harcèlement sexuel ou le mariage précoce sont trop faibles pour avoir un réel caractère dissuasif.
Dans un communiqué, les 25 associations de la Coalition « Printemps de la dignité », ont dénoncé les failles du processus de consultation par les autorités, l’absence de prise en compte de leurs préoccupations, le manque d’approche globale dans la stratégie de lutte contre les violences faites aux femmes, et le caractère expéditif de la fin du processus législatif « Ces défaillances dans le processus d’adoption ont eu des conséquences inévitables sur le contenu de la loi. Le texte ne prend pas en compte les standards internationaux relatifs à la définition des violences à l’égard des femmes et n’est pas conforme aux engagements internationaux pris par le Maroc sur l’égalité de genre. Il se réfère à des concepts conservateurs tels que l’atteinte à la pudeur publique ou à la morale » note le communiqué.
Pénaliser le viol conjugal
L’une des lacunes les plus graves concerne l’absence de pénalisation du viol conjugal. La loi réprime les mariages précoces, mais permet en même temps aux juges de délivrer des exemptions et allonge le délai de cinq à dix ans pour la régularisation de mariages. De plus, cette loi prévoit l’ajout de trois nouveaux articles dans le Code pénal (Articles 481-1, 503-2-1 et 526-1), qui permettraient l’abandon et l’annulation de toutes poursuites judiciaires si la victime en exprime le souhait.
En finir avec toutes les violences faites aux femmes!
Par ailleurs, la loi limite la capacité des associations à se constituer parties civiles dans les affaires de violences. Cette possibilité n’est ouverte qu’avec l’autorisation de la victime, qui peut par exemple se trouver dans l’incapacité physique ou mentale de donner cette autorisation, ou être l’objet de pressions de son entourage « Le Maroc n’est pas à la hauteur de la situation dramatique des violences faites aux femmes dans le pays. Nous sommes bien en deçà de la loi intégrale obtenue par les féministes tunisiennes l’été dernier, qui est bien plus complète, cohérente et ambitieuse» indique Saida Drissi, présidente de l’ADFM.
Adopter une loi spécifique sur la violence faite aux femmes
Cependant, les organisations restent mobilisées en faveur de l’adoption d’une véritable loi intégrale de lutte contre les violences faites aux femmes. Une telle loi devrait être basée sur une approche globale de la violence à l’égard des femmes dans l’espace public et l’espace privé ; fournir une définition complète de toutes les formes de violences conformément aux standards internationaux ; aborder à la fois la prévention des violences ; le soutien aux victimes, et garantir leur accès à la justice et à des réparations ; définir clairement les responsabilités des différents organes de l’État concernant la mise en œuvre des dispositions de la loi ; prévoir l’octroi de moyens financiers suffisants pour garantir une application effective de la loi.