Hella Ben Youssef Ouardani est élue depuis le 10 septembre 2017 au Congrès d’Ettakatol en tant que Vice Présidente du parti. Sa forte implication à l’international a été couronnée par son élection en tant que vice-présidente de l’Internationale Socialiste Femmes en charge de la méditerranée Nord-Sud.
Hella Ben Youssef Ouardani est fortement impliquée dans la vie associative et est très active dans la défense des droits des femmes et des Tunisiens à l’étranger. Hella vit en France depuis 1992, diplômée de l’Université Montesquieu Bordeaux IV, mère de deux enfants, elle a commencé son parcours professionnel dans le domaine des affaires sociales et la démarche qualité et accréditation.
Présente à la conférence internationale « Afrique-Europe : Regards croisés sur la représentation politique des femmes », elle nous parle de son parcours, de son engagement politique et des divers défis auxquels les femmes en politique doivent faire face et de l’importance de la femmes dans la prise de décision.
Actuelles : Je souhaite commencer par vous demander de nous parler de votre carrière politique. Quand a-t-elle débuté et quel a été le déclic ? Quelles ont été les opportunités et les difficultés rencontrées sur votre parcours de femme politique ?
Hella Ben Youssef : La Révolution de Janvier 2011, le « printemps arabe », aura été une opportunité pour les citoyens de s’exprimer. C’est ce que je retiens de cet épisode important dans l’Histoire. Pour moi, après des années de silence, ce fut la possibilité de contribuer en quelque sorte à la marche de l’histoire et à l’avenir de ce pays, petit par sa taille, grand par ses ambitions. Le plus important, pour moi, ça a été, que ce pays redevienne celui de tous. Sans distinction d’appartenance, de genre, d’obédience religieuse, d’appartenance régionale, de « caste sociale ». Tout un chacun a droit à « sa » Tunisie. C’est donc, logiquement, que j’ai choisi Ettakatol qui défend ses valeurs-là et qui se positionne sur la scène locale comme un parti de centre-gauche, qui se veut à la fois démocrate, socialiste et progressiste. Etre une femme n’est pas facile ; qui plus est une femme en politique en Tunisie. Cela étant, chez Ettakatol, nous avons des femmes et des hommes qui croient en l’égalité dans le genre, en l’équité entre hommes et femmes ; concept selon lequel, seul l’engagement et la compétence comptent. C’est aussi la raison pour laquelle, j’ai rejoint Ettakatol.
Actuelles : Lors du colloque International organisé à Rabat par Jossour et la Fondation Ebert, plusieurs recommandations ont été faites, telles que la préservation des droits acquis des femmes ou encore développer et renforcer la participation des femmes en politique, quelle est la recommandation qui vous a le plus interpellée ?
Hela Ben Youssef : Etant donné la situation de la femme, non seulement en Europe mais également partout dans le monde et en particulier au Maghreb, je pense que les dispositions adoptées lors dudit colloque de Rabat ne sont en aucun cas anodines. Il s’agit de véritables avancées au sens où, ne serait-ce que la préservation des droits acquis qui représente une avancée dans un contexte où les idées rétrogradent gagnent du terrain. Ces avancées sont, en revanche, de l’ordre de la déclaration de principe. Notre enjeu, commun et vital, c’est de les concrétiser, pour ainsi dire, sur le terrain. Beaucoup de femmes, en politique comme ailleurs, souffrent en effet, d’une iniquité criarde. Et c’est là où nous avons besoin de moyens pour les protéger, les pousser à s’affirmer ; sans inégalité qui relève du genre.
Actuelles : Ces derniers jours, en Tunisie plusieurs circulaires, qui procédaient à des mesures discriminatoires et qui sont contraires à la Constitution ont été abordées. Pensez-vous que le contexte politique tunisien est favorable à l’adoption des lois qui renforcent les libertés individuelles et les droits ?
Hella Ben Youssef : Je forme tout d’abord les vœux que les abrogations des dites lois d’un autre âge relèvent réellement d’une volonté de changement sociétal réel et authentique, par opposition à une manœuvre politicienne qui vise à trouver un soutien à une politique de restauration en l’apparence progressiste. Je m’explique : Le pouvoir actuel normalise avec le régime ancien. Je n’ai pas trop peur que dans cette approche, la politique « féministe » du gouvernement, ne soit qu’un alibi pour provoquer le soutien d’une élite ; ça serait au bout du compte, une manœuvre politicienne indigne de l’enjeu sociétal qui est le mien, qui est le nôtre. En réponse à votre question, je dirais qu’il appartient à nous, famille progressiste, de défendre ces valeurs, abstraction faite du contexte politique et social ainsi que des considérations électoralistes de courte vue. Nous devons être ferme sur les principes, notamment l’équité dans le genre ; même si cela est potentiellement défavorable électoralement. Chez Ettakatol, nous menons une bataille de principe, une bataille qui nous coute mais qui vaut la peine d’être menée. Car c’est une bataille juste.
Actuelles : Certaines femmes hésitent à s’engager en politique de peur de ne pas pouvoir concilier entre vie familiale et politique, pourquoi cela semble-t-il difficile ?
Hella Ben Youssef : La question me semble superflue car au même titre que « le père de famille » a le droit d’entrer sur la scène politique, la femme doit avoir les mêmes droits. Il ne s’agit donc pas de ce qui est « possible » mais de ce qui est normativement tangible en Tunisie en 2017. J’encourage donc toutes les femmes à s’engager en politique. J’encourage de même les hommes à être des acteurs de leur vie et de celle des générations futures, abstraction faite des difficultés logistiques. Lesquelles difficultés sont toujours solubles. Le droit à la Cité est tout aussi naturel qu’inaliénable. Nous devons, toutes et tous, au-delà de nos différences, régionales, sociétales, ou du genre, améliorer le présent et construire un meilleur avenir pour les générations futures
Actuelles: En dernier, quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes pour les encourager à s’impliquer dans la politique ? Et quels sont vos projets futurs ?
Hella Ben Youssef : Je voudrais leur dire que l’avenir vous appartient et qu’il sera ce que vous en faites, aujourd’hui. L’avenir, autrement dit, vous appartient. C’est vous, et uniquement vous, qui allez le façonner. Engagez-vous, Indignez-vous si vous voulez (comme disait Stéphane Hessel), mais soyez des actrices de votre vie. Quant à moi, maintenant que je suis vice-présidente d’Ettakatol qui représente l’Internationale Socialiste en Tunisie, Vice-Présidente de l’Internationales Socialiste des Femmes pour la région méditerranée nord sud qui englobe (Maroc, Algérie, Tunisie, France, Italie, Portugal, Espagne, Andorre et Saint Marin) je souhaite porter une voix alternative en Tunisie. Une voix qui, malgré les tentatives d’étouffement et les tentatives de restauration, dira que chaque Tunisien a le droit à son pays, à un avenir meilleur, à l’éducation, à l’égalité des chances, à la vie, tout simplement. Je sais mon ambition est difficile. Mais, ensemble, nous y parviendrons !